Mashallah News, un journalisme de solutions au Proche-Orient

Mashallah News, un journalisme de solutions au Proche-Orient

Un jour dans mon média est une série de témoignages, qui illustre chaque semaine le quotidien de personnes travaillant dans les médias de l'Afrique, du monde arabe et de l'Asie du Sud-Est, accompagnés par CFI.

Cette semaine, entretien avec Clément Girardot, 31 ans, l'un des 4 coordinateurs et cofondateurs du média Mashallah News.


Mashallah est une expression arabe qui s'emploie lorsqu'on est face à un évènement merveilleux et surprenant. Fondé en novembre 2014, Mashallah News est un média en ligne lancé par de jeunes journalistes originaires du Proche-Orient. Pensé comme un blog participatif, ce journal s'appuie principalement sur un réseau de contributeurs aux expériences et aux compétences diverses, issus du journalisme, de la photographie, de la recherche, de l'art et du graphisme.

Mettre en avant le dynamisme des jeunes au Proche-Orient

Nous voulions construire un pont entre les grandes métropoles arabes, celles qui ont un héritage historique commun et qui ont appartenu à l'empire ottoman.Lorsqu'il a été contacté pour cette initiative, Clément était journaliste indépendant à Istanbul. Mashallah News a été créé pour répondre à une frustration : celle d'un traitement médiatique généralement pessimiste des pays comme la Turquie, le Liban, l'Iran, le Maroc, etc.
La rédaction compte, en plus de l'équipe de coordinateurs, une trentaine de journalistes et de blogueurs qui forment une communauté soudée et produisent nombre d'articles. Les thématiques abordent des sujets culturels et les faits de société avec un accent particulier mis sur la vie urbaine :
"Nous parlons de spectacles à venir et de musique. Les questions de droit de l'homme sont aussi récurrentes au sein de notre ligne éditoriale", précise Clément.
Préconisant la qualité des productions sur la quantité, Mashallah News s'oriente particulièrement vers les reportages photos. "Il faut que les articles mènent surtout à la réflexion puis idéalement à des solutions" souligne-t-il.
Le site web est disponible en trois langues (français, anglais et arabe) avec une très forte dominance anglaise : il vise surtout à toucher les jeunes de 18 à 35 ans. Leur lectorat est plutôt connecté et multilingue : "Nous avons une deuxième cible qui est la diaspora de ces pays", indique Clément.
Depuis son lancement en 2010, plus de 700 articles ont été publiés, notamment des dizaines de reportage, témoignages et interviews sur une trentaine de villes, principalement Istanbul, Djeddah, Le Caire, Téhéran, Ramallah et Beyrouth.

Clément Girardot, lors d'un atelier sur le journalisme et la migration en janvier 2018


Une gestion dématérialisée

Mashallah News n'a pas de siège social physique. L'équipe est répartie entre différents pays. Les réunions consacrées au fonctionnement du site internet se font à distance via des applications de téléphonie comme Skype ou WhatsApp. Les contributeurs suggèrent une thématique qu'ils veulent aborder et si elle convient aux coordinateurs, ils rédigent un article qui sera publié sur mashallahnews.com.
"Il y a beaucoup de blogueurs, donc à la relecture des articles, nous veillons à ce qu'ils soient exempts de commentaires personnels. Nous publions surtout des reportages et des témoignages", explique le journaliste. Il arrive cependant que dans le cadre d'un projet auquel le média participe, un format en particulier soit demandé aux contributeurs.
Mashallah News est présent sur Twitter, Facebook et Instagram : "Il n'y a pas de stratégie de production native de contenus sur les réseaux sociaux car nous n'avons pas beaucoup de budget. On a d'ailleurs vu que ce n'était pas forcément une bonne idée. Lorsque l'on a fait dépendre notre média de ces plateformes, les changements d'algorithme de diffusion des articles génèrent beaucoup de stress et c'est la panique. Ces canaux sont surtout utilisés pour relayer des articles du site, entretenir un lien avec le lectorat", affirme-t-il.

La principale difficulté du média est d'ordre économique.
Mashallah News a un statut d'association à but non-lucratif. Les membres de l'équipe travaillent bénévolement et ont généralement d'autres activités rémunératrices en parallèle.
"Nos sources de revenus viennent de projets éditoriaux auxquels nous participons ou que nous menons, financés par des structures d'aide au développement telles que CFI avec le projet Ebticar. Nous réalisons aussi des formations", détaille Clément Girardot.
L'année dernière, ils ont organisé avec deux associations française et allemande, une série de trois ateliers sur le thème de la migration.

Jenny Gustafsson et Micheline Tobia, coordinatrices de Mashallah News


Un paysage médiatique en mutation

Quant aux conditions de travail des journalistes, Clément décrit une situation difficile notamment en Turquie, depuis le coup d'État manqué. Il existe aujourd'hui un climat de défiance entre les médias et la population turque :

Beaucoup de médias sont détenus par le pouvoir qui parvient à manipuler la population par leur intermédiaire.

Aujourd'hui, Clément est installé en Géorgie : "Même si le paysage médiatique de ces pays a évolué depuis la vague de révolutions de 2011, Mashallah News reste une voix à part et complémentaire aux autres médias. Nous sommes en retrait du tumulte de l'actualité, nous partageons des sujets inédits, qui amènent de nouvelles perspectives et font connaître des réalités souvent ignorées", termine-t-il.

En marge du site, Mashallah News a publié en 2014 un ouvrage de 300 pages, Beyrouth, Chroniques et Détours, florilège de récits des vies oubliées de la capitale libanaise.
Sur le long terme, le collectif a pour ambition de développer sa diversification en publiant un second livre sur une autre ville du Proche-Orient et de poursuivre ses activités de formation, tout en conservant son activité première qui est de couvrir l'actualité du monde arabe, de la Turquie et de l'Iran.

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