Mosul talks : médias et réconciliation après Daech

Mosul talks : médias et réconciliation après Daech

Des ateliers à Mossoul et une conférence de restitution à Erbil ont réuni, en mars et avril 2018, des journalistes et acteurs irakiens engagés sur le terrain, pour réfléchir au rôle des médias dans le processus de stabilisation du pays.

Libérée en juillet 2017 de l'emprise de Daech après neuf mois de combats acharnés, Mossoul et sa province en sont ressorties exsangues : la moitié de sa population a dû fuir et plus de 20 000 maisons ont été totalement détruites. Aujourd'hui, les défis tant sociaux-politiques qu'économiques que doit relever la deuxième ville du pays sont cruciaux pour l'avenir de l'Irak.

Au-delà des coûts de reconstruction des infrastructures, une question essentielle demeure : comment restaurer l'identité de la ville et son creuset de diversité, dans un contexte de défiance des citoyens envers l'État central et de tensions inter-communautaires ? C'est précisément au sein de ce processus de réconciliation que les médias ont un rôle indispensable, car ils peuvent être soit un instrument au service de la cohésion sociale, soit son contraire.

Journalistes, membres de la société civile locale, représentants politiques, médias et chercheurs originaires de Mossoul, ont échangé lors de ces Mosul talks : trois jours d'ateliers dans leur ville et une conférence de restitution à Erbil, organisés par CFI et son partenaire allemand MiCT.
Le choix de Mossoul n'était pas anodin et entendait répondre au besoin de retour à la vie normale souhaité par les Mossouliotes.

Éducation, justice transitionnelle et gouvernance furent les trois thèmes abordés lors de ces débats. Concrètement, les participants devaient réfléchir aux solutions médias pouvant être mises en œuvre dans ces trois domaines pour accompagner la stabilisation.
Les participants ont pu s'exprimer librement et faire remonter leurs craintes, notamment celle de voir la communauté internationale s'intéresser uniquement à la reconstruction en dur et minimiser l'importance de l'aspect sociétal :

  • comment réintégrer les groupes marginalisés ?
  • comment re-scolariser les enfants et adolescents ayant été endoctrinés pendant plusieurs années sous Daech ?
  • comment s'appuyer sur la gouvernance locale pour ne pas réitérer les erreurs passées ?

Restaurer la confiance dans les médias

Reconstruction ne signifie pas nécessairement réconciliation ont souligné les participants. La cohésion sociale et la stabilisation doivent être considérées dans une approche holistique allant de l'habitat et des infrastructures, de la santé et de l'éducation, du développement économique jusqu'à la culture et les médias, ont-ils rappelé.

La réconciliation est avant tout un processus qui doit impliquer les acteurs de terrain locaux, car ils sont les seuls capables de mener ce travail. Les médias, eux, ont un rôle de premier plan pour faire entendre la voix des victimes et documenter la situation sous différentes perspectives pour donner aux citoyens des informations fiables.

Plusieurs propositions ont été identifiées, notamment celles d'œuvrer en amont au niveau des contenus pédagogiques des cursus universitaires en journalisme pour permettre une formation adéquate mêlant théorie et pratique incluant la thématique de la réconciliation. La responsabilité des journalistes dans un contexte de polarisation extrême du secteur médiatique a également été pointée : pour mettre fin aux discours de propagande et d'incitation à la haine, l'indépendance des médias est primordiale.
Afin de contrer la diffusion de discours de haine, notamment sur les réseaux sociaux, des outils de vérification et d'éducation aux médias, en particulier pour le public jeune, doivent être créés. Ce n'est qu'en instaurant des pratiques professionnelles au sein des médias que la confiance sera restaurée. Pour ce faire, l'État doit s'engager à soutenir la liberté de la presse et son indépendance.


Enfin, dans le cas plus spécifique de Mossoul, certains évoquent l'importance du journalisme de solutions : parler des faits positifs et réels de cohésion sociale plutôt que de destruction. C'est justement ce journalisme de solutions que va soutenir CFI dans les prochaines activités du projet Tasalah, en accompagnant des journalistes de Mossoul et de la plaine de Ninive dans la production de contenus multimédia sur la cohésion sociale.

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