12 projets d'enquête accompagnés dans leur création de data-visualisation

12 projets d'enquête accompagnés dans leur création de data-visualisation

"Ouvrez le lien vers les menus sur le Slack, puis indiquez votre commande sur le Google Sheet que je viens de créer dans le G Drive".

Voilà comment, en deux clics, Keng Kuang Ser Kuek (DataN), co-formateur de l'atelier data-visualisation de CFI qui a eu lieu à Kuala Lumpur (Malaisie) du 10 au 16 juillet 2017, a réglé le choix du déjeuner des 12 participants. Pourtant, il y n'y a pas si longtemps, ces références à des outils et des applications web n'évoquaient rien pour la majorité de ces professionnels travaillant pour des médias d'Asie du Sud-Est.
Aujourd'hui, tous jonglent aisément avec les codes de langage et les techniques basiques des développeurs.

Cambodgiens, Malaisiens, Birmans, Vietnamiens, Thaïlandais, Indonésiens, Philippins… Tous journalistes flirtant avec l'activisme, neuf hommes et trois femmes ont été sélectionnés à l'issue d'un appel à candidature de CFI dans le cadre du 4MAsia. Ils participent à un programme de formation en data journalisme visant à soutenir la réalisation de projets médias axés sur les droits humains et le contrôle citoyen de l'action publique, pour encourager davantage de redevabilité, de transparence gouvernementale et de dialogue entre le peuple et ses élus.

Si leurs premiers pas dans l'immensité des possibilités offertes par les données ont été initiés à Phnom Penh en mai 2017, guidés par Pinkie et Marianne Bouchart, respectivement co-formatrice et formatrice principale -en charge de la cohérence pédagogique et du contenu du programme-, la mise en perspective des données sous forme de visuels interactifs percutants se joue à Kuala Lumpur, au sein du bureau de Google Malaysia qui a accueilli l'atelier pour l'occasion.

Après une phase théorique où les participants ont pu apprendre les bases de la visualisation et ont notamment pu découvrir son histoire (et le fait que cette pratique remonte à la préhistoire), les 12 projets sélectionnés ont été passés au crible lors d'ateliers de brainstorming collaboratifs où tous les participants, guidés par leurs formateurs, ont partagés des idées, dessiné des schémas, des esquisses d'infographies sur les murs du tableau blanc de Google Malaysia.

Au cours des 5 jours de programme, Marianne et Keng leurs ont appris à analyser leurs données pour définir quel type de visualisations est le plus adapté à leur projet et à utiliser différents outils gratuits tels que HighCharts et Infogram (pour les graphiques), Piktochart (pour les infographies), Tableau Public (pour les graphiques interactifs et cartographies), CARTO et UMap (pour la cartographie interactive).

Évolution complémentaire et discipline à part entière du journalisme "traditionnel", le data journalisme permet aux professionnels des médias d'aller encore plus loin dans leur mission d'information, en s'appuyant sur la maîtrise d'outils et de compétences numériques au service du renforcement de la démocratie dans leur zone de couverture.


Au service de l'engagement citoyen

Au-delà de la mission primordiale d'information, le data journalisme et sa composante infographique ont une vocation intrinsèque d'éducation du public grâce à des outils interactifs et une bonne dose de réflexion sur la pertinence des informations diffusées, tant sur le fond que sur la forme. Ce type de format nécessite de créer du lien avec le lecteur pour le faire entrer dans son sujet, et une bonne dataviz aura réussi le pari d'humaniser les données, de leur donner des visages et des noms. En somme, de raconter les histoires qui se cachent derrière les chiffres et créer du lien avec son audience.

L'acquisition de ces nouvelles compétences, indispensables aujourd'hui à n'importe quelle rédaction à travers le monde, va permettre à ces participants d'être encore plus efficaces et de servir de point focal pour transmettre à leur tour ces techniques qui construisent l'évolution naturelle de la pratique du journalisme. Le fait qu'ils soient en équipe réduite, voir qu'ils soient les seuls data journalistes de leurs rédactions – comme c'est souvent le cas dans les pays où CFI intervient –, ajoute certes à la lourdeur de la tâche ; mais ce qui pourrait apparaître comme un handicap comporte aussi des avantages non négligeables, comme l'a souligné Fernando Blat, co-fondateur de Populate Tools, (i.e. site internet des Panama Papers, Offshore Leaks…), site qui crée des outils de dataviz au service de l'engagement citoyen :
"Cela vous oblige à être très précis et concret dans la création de vos dataviz, c'est un entraînement intensif pour lequel vous devez occuper tous les postes, ce qui vous rend davantage autonome, rapide et percutant par la suite."

Tous les médias concernés

Pour sélectionner les données à mettre en valeur, il convient de se concentrer sur l'info la plus frappante, et prendre en considération le contexte local : quelles informations vont intéresser et seront nécessaire à mon public-cible ? Par exemple, l'un des participants vietnamiens enquêtant sur les raisons du nombre trop élevé d'accident de deux-roues dans son pays, a été accompagné pour creuser son information au-delà des simples chiffres du nombre de morts : sous forme de graphique, comment mettre en perspective le nombre d'accidents avec les périodes de campagnes de prévention pour la sécurité routière, afin de confronter le gouvernement à ses propres carences ?

Et dans le cadre de l'enquête sur la déforestation en Birmanie, l'insertion d'un compteur, indiquant le temps restant avant la destruction totale de la forêt, ne renforcerait-il pas l'information véhiculée par l'article ?
Et l'ajout, dans un autre onglet "Que puis-je faire ?" contenant des liens actualisés vers des sites internet dédiés, notamment vers des pétitions en ligne, ne permettrait-t-il pas au lecteur de s'approprier cette problématique environnementale ?
Un bon moyen également de fidéliser son public, en lui offrant des informations utiles et pour lesquelles il peut être acteur.

Aucun média n'est laissé pour compte de ce nouveau champ de possibilités de représentation journalistique des données, pas même la radio. Il suffit de faire preuve d'imagination: des applications – fournies également aux participants de l'atelier – permettent de restituer les données en les convertissant en musique, le rythme impulsant l'accélération ou le ralentissement d'une tendance, comme le nombre d'arrestations sur une période donnée, par exemple.

Prochaine étape pour chaque participant: les devoirs d'été pour terminer et approfondir leurs sujets et les enrichir. Le bouclage se fera en octobre à Manille, aux Philippines, atelier durant lequel leurs seront transmises les expériences ainsi que les astuces et techniques pour viabiliser leur sujet en ligne, en optimisant sa visibilité, son interactivité, et pourquoi pas sa monétisation.


Les 3 astuces de Fernando Blat pour créer une dataviz efficace

  • Faites simple, ne compliquez pas votre processus de réalisation ;
  • Prenez le temps de "fact checker" : vérifier en amont vos données pour les confirmer et les mettre en perspective, au lieu de vous concentrer dès le départ uniquement sur la dataviz ;
  • Rester minimalistes, ne surchargez pas vos visuels : l'information principale et le but recherché par votre dataviz doivent être immédiatement compréhensibles.

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