Guinée Décalée : la satire au service de l’information

Guinée Décalée : la satire au service de l’information

Un jour dans mon média est une série de témoignages, qui raconte chaque semaine le quotidien de personnes travaillant dans les médias de l'Afrique, du monde arabe et de l'Asie du Sud-Est, accompagnés par CFI.

Cette semaine, entretien avec Djamilatou Bah, du média guineedecalee.com en Guinée.


Djamilatou Bah, 29 ans, est la co-créatrice du site d'informations guineedecalee.com.
Ce média, lancé le 22 mai 2017 à Conakry, veut disrupter les codes de l'information en ligne, en utilisant un style peu courant en Guinée : la satire.

À l'exception du journal Le Lynx par lequel Djamilatou elle-même est passée, il n'existe pas de presse satirique en Guinée. Partant de ce constat, elle a voulu créer son média pour répondre à un besoin :

"Je souhaite faire passer l'information par le rire. Le visiteur ne consomme pas seulement une information sur notre site, il passe aussi un bon moment".

Aujourd'hui, elle occupe le poste de directrice de publication au sein d'une équipe de cinq personnes.

Volonté de se démarquer

C'est dans les locaux de l'espace de coworking Be the change dans le quartier de Taouyah à Conakry, que Djamilatou et ses collègues se sont retrouvés pendant des mois pour peaufiner cet ambitieux projet. Depuis que la plateforme est lancée, ils travaillent la plupart du temps de chez eux, favorisant les conférences téléphoniques aux rencontres physiques. Ce qui permet de considérablement réduire les dépenses, notamment de payer le loyer d'un local. L'équipe, composée de journalistes fraîchement diplômés veut sortir du lot et la formule utilisée a l'air de bien fonctionner à en croire l'engouement des visiteurs du site.

"Nous voulons nous démarquer de la pléthore de sites internet d'informations guinéens, quitte à provoquer pour interpeller", avance l'entrepreneuse.

Pour amuser le lecteur, les articles du site guineedecalee.com sont rédigés avec des jeux de mots de la langue française et des expressions issues de dialectes guinéens.
Le média revêt également une dimension citoyenne. Il adopte un ton ludique pour traiter des sujets consacrés aux traditions et aux tabous de la société guinéenne.

Djamilatou Bah, directrice de publication de guineedécalée.com en Guinée.

Le numérique était pour Djamilatou une évidence, en raison de l'instantanéité et de la visibilité qu'il offre. À long terme, elle compte créer une version papier du média, pour toucher une tranche d'âge différente de celle de sa cible actuelle : les plus de 45 ans.

Journaliste, un métier compliqué en Guinée

Être journaliste n'est pas de tout repos dans ce pays de 13 millions d'habitants, niché en Afrique de l'Ouest. Depuis qu'elle a achevé ses études de lettres et de journalisme à l'Université Mahatma Ghandi et qu'elle s'est lancée dans la vie professionnelle, Djamilatou a été témoin de nombreuses déconvenues vécues par des collègues : la dernière en date remonte à la rumeur de la mort du président guinéen Alpha Condé, injustement imputée à Gangan FM. La mise aux arrêts de l'un des responsables de la radio avait occasionné des heurts entre les gendarmes de la commune de Matam et des journalistes venus exprimer leur solidarité à leur confrère. Une situation qui s'est tout de même améliorée avec la dépénalisation du délit de presse en 2010 en Guinée.
À ces difficultés, s'ajoutent les problèmes de transport dûs aux embouteillages monstre qui sévissent dans la capitale et une connexion internet dont le débit est encore insatisfaisant.

Innover dans la manière d'informer

L'une des motivations première du média est de diversifier l'offre d'informations guinéenne, en proposant un nouveau type de contenu en ligne. Guinée Décalée a été entièrement financé sur fonds propres et aujourd'hui le média fait face à des difficultés pour être économiquement autonome.
L'initiative ne dégage pas de bénéfices pour l'instant, et Djamilatou rémunère ses journalistes grâce à ses économies. Elle dédommage leurs frais de transport lors des déplacements sur le terrain pour vérifier une information. Dans un paysage médiatique où les journalistes manquent souvent de professionnalisme, ceux de Guinée Décalée sont encouragés à aller jusqu'au bout de la démarche de fact-checking avant diffusion de l'information sur le site.
Le format satirique ne doit pas être un prétexte à la négligence. À l'heure de la vidéo mobile et des équipements légers, la rédaction travaille avec des smartphones, deux caméras, des enregistreurs et des ordinateurs portables.

Capture d'écran du site guineedecalee.com

En décembre 2017, Djamilatou a participé au projet Naila de CFI qui lui a permis de bénéficier d'une semaine de formation à la gestion managériale des médias en ligne à Dakar.

"C'était une aubaine car j'ai consolidé mes compétences en management. C'était également l'occasion de rencontrer d'autres journalistes de la sous-région confrontés aux mêmes difficultés que les nôtres à Conakry. J'ai pu apprendre de leur quotidien."

En janvier, elle s'est rendue au Sénégal pour la seconde phase d'accompagnement.

Aujourd'hui, Djamilatou se réjouit de la tournure que prend guineedecalee.com.
Les retours positifs de son lectorat constituent un moteur conséquent pour persévérer et parvenir à s'imposer comme un acteur dominant de l'information guinéenne.

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